Dimanche matin, 11h, près de 70 personnes sont assises sur la terrasse du Domaine du Ridge à Saint-Armand, dans les Cantons-de-l'Est. Devant l'immense champ de vignes, sous un ciel bleu parsemé de petits nuages blancs, elles attendent la visite guidée du vigneron.

Le vigneron, c'est l'avocat et ancien ministre libéral Denis Paradis. Cet homme d'affaires, toujours actif à Montréal dans le milieu du droit, anime les visites tous les jours durant l'été.

Il commence son exposé en racontant que c'est un voisin vigneron qui lui a suggéré de planter des vignes dans les années 90. À cette époque, M. Paradis buvait du vin, mais il n'était pas un fin connaisseur.

Par curiosité, il a planté 2000 pieds de seyval blanc. Près de 20 ans plus tard, son domaine compte 55 000 plants d'une dizaine de variétés.

«J'y ai pris goût, dit-il pendant la visite. Partir un vignoble, c'est long. Il faut que ce soit une passion.»

Après une courte introduction, le groupe se dirige vers le champ. Des vignes s'étendent à perte de vue dans un petit vallon. Les Appalaches découpent l'horizon. Entre les vignes de maréchal foch, Denis Paradis relate «les hauts et les bas d'un vigneron».

«Un bon vigneron doit avoir trois qualités: de la créativité, de l'innovation et de l'imagination. En plus de tous les travaux nécessaires à la vigne, il faut protéger notre récolte des oiseaux, puis des animaux. Ce n'est pas facile.»

De l'imagination, M. Paradis n'en manque pas. Pour éloigner les bêtes à l'automne, il organise un concours d'épouvantails. L'an dernier, une quinzaine de visiteurs ont installé leur création dans son champ. Le gagnant est reparti avec une caisse de vin.

Le Domaine du Ridge produit près de 100 000 bouteilles par année. Afin de compléter sa production, le vigneron achète des raisins provenant d'autres vignobles.

Une cuvée foulée avec les pieds

Avant de passer à la dégustation, le groupe s'arrête devant un fouloir en bois. M. Paradis explique qu'une partie des raisins est pressée - foulée - à l'ancienne avec les pieds. L'activité est réservée aux femmes «aux pieds propres», précise-t-il.

«Quand il y a 30 filles dans le fouloir, raconte le vigneron d'un ton taquin, il doit y avoir 100 gars autour!»

M. Paradis assure que son blanc foulé avec les pieds est plus doux que celui produit avec les mêmes raisins pressés à la machine. De retour sur la terrasse, la dégustation comparée des deux produits lui donne raison: la Cuvée du fouloir semble plus ronde et plus aromatique.

Au total, neuf vins sont dégustés. Celui dont il est le plus fier est son rosé, le Champs de Florence. Cette cuvée 100% seyval noir est le rosé du Québec le plus vendu à la SAQ. Il s'en est écoulé 22 000 bouteilles au cours de la dernière année.

Devant ce succès, M. Paradis a décidé d'ajouter un autre produit à sa gamme: un rosé mousseux. Produites selon la méthode champenoise, les bouteilles seront commercialisées au printemps.

Une «grappa» québécoise

Si Denis Paradis a perdu son siège à la Chambre des communes en 2006, il n'a pas perdu son sens politique. Il tente activement de convaincre les décideurs de l'aider dans son nouveau projet: une distillerie coopérative. Avec les rejets viticoles, comme les peaux de raisins et les rafles, il rêve de produire la première «grappa» québécoise.

Or, la loi oblige les producteurs de spiritueux à vendre leurs produits exclusivement à la SAQ.

«Avec les règles actuelles, ce ne serait pas rentable», résume-t-il.

Au cours des derniers mois, il multiplie les rencontres avec les représentants de tous les partis politiques à Québec, avec la Régie des alcools et avec le président du conseil d'administration de la SAQ, Sylvain Simard. Il espère démarrer son projet lors de la vendange 2014.

Deux heures et neuf verres de dégustation plus tard, le soleil est au zénith. Les visiteurs sont attablés devant un plateau de viandes et de fromages de la région. Le vigneron, lui, tire sa révérence. Si la visite est terminée, sa journée est loin de l'être. Il doit maintenant livrer des bouteilles à plusieurs restaurants de Montréal.

Comment s'y rendre

Depuis Montréal, vous mettrez un peu plus d'une heure de voiture pour vous rendre au Domaine du Ridge. Sur l'autoroute 10, prenez la sortie 48 en direction de Farnham. Une fois au village, prenez la route 235 Sud vers Bedford. À Bedford, empruntez la route 202 Est vers Dunham et tournez à droite sur le chemin du Ridge. Vous serez au vignoble six kilomètres plus tard.

Les visites guidées se tiennent du jeudi au dimanche à 11h et le mercredi à 14h. Elles comprennent la dégustation des neuf produits et une assiette de produits de la région. Prix: 55$ pour deux personnes.

À déguster

BLANC: Cuvée du fouloir 2012

Cette cuvée 100% seyval blanc est exubérante. On découvre au nez des notes de fleurs, de miel et de poires. Dans la bouche, l'acidité est bien dosée. L'attaque est onctueuse. On goûte les citrons confits. C'est long et très rafraîchissant. Un vin de terrasse et pour accompagner les fruits de mer. 12%, vendu uniquement au vignoble, 17,90$.

ROUGE: Clos du Maréchal

Coup de coeur pour cet assemblage de maréchal foch, de chaunac et lucie kuhlmann. Dans le verre, c'est épicé, floral et fruité. L'amertume ressentie en milieu de bouche apporte une belle complexité. Avec les charcuteries, c'est le bonheur! 12%, à 15,90$ au vignoble, 16,90$ à la SAQ (10 220 373).

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Le Domaine du Ridge produit près de 100 000 bouteilles par année, dont le Champs de Florence, le rosé du Québec le plus vendu à la SAQ.